A midi, j'ai vu un vieux. Y'en a beaucoup, alors forcément, des fois, j'en vois.
Mais je les regarde rarement pour de vrai.
Celui-là, il était vraiment vieux ; d'apparence en tous cas. Il marchait avec peine, avec une peine terrible, sans canne, sans béquille, mais sans vitesse. Il aurait pu aller plus vite en se laissant porter par l'érosion du trottoir en pente.
Il m'a fait une peine, une peine terrible. Son regard était vide. On aurait dit un chien mécanique, dont les piles arrivent à expiration. Son regard était vraiment vraiment vide. Sans la moindre lueur. Eteint.
Comment cet homme a-t-il pris la décision de sortir de chez lui ? Par nécessité ? Par défi ? Par hasard ? Derrière la vitre sans tain de son regard, derrière ce regard sans teint, y avait-il encore une machine en marche ?
On parle de la lumière du regard, et c'est vrai que les yeux ont le pouvoir de luire. Certaines personnes, plus heureuses, plus intelligentes, plus vivantes, ont les yeux qui brillent. Mais objectivement, leurs yeux brillent-ils vraiment ? Cela est pour moi une véritable énigme. Je me dis que tous les yeux, pris hors de leurs orbites, ont la même texture, le même aspect. Qu'est-ce donc qui les fait briller ?
Une chose est sûre, dans la rue ce midi, les yeux du vieux ne brillaient pas.