Alors c’est parti, je vais me la jouer pistolero. Un peu adolescent rageur. Un peu politiquement correct.
Je pense aux deux milliards d’amendements qui vont être déposés pour empêcher la fusion GDF-Suez. Je me dis que c’est rusé de se battre avec les armes de l’administration, pour mener un combat fondamental pour la société française. Je me dis…
Et puis non, je ne me dis pas ça du tout : je me dis que je n’en ai à peu près rien à battre de cette fusion de merde. On me dit que l’enjeu est énorme ? Peut-être, peut-être… Mais quoi ? N’y a-t-il pas plus urgent ? Plus fondamental ?
Bref, je m’énerve et je hurle comme un jeune loup – comme un jeune agneau plutôt. Je hurle parce que ce matin j’ai vu – comme tous les matins – la même femme sur le même quai de métro. C’est une sans-abri, une clocharde quoi. D’habitude, elle me fait un peu peur et un peu peine. Elle est sans âge, courbée, recourbée. Je n’ai jamais vu son visage. Mais ce matin elle a toussé ; puis elle a retoussé et retoussé encore – fort, tellement fort qu’on l’entendait même à l’intérieur de la rame, les portes fermées. Elle toussait d’une toux d’agonie alors j’ai eu un peu mal au cœur. J’ai pensé qu’elle allait peut-être mourir ce matin, seule sur un quai de métro. J’ai pensé que peut-être je ne la reverrais pas demain.
Je suis sorti, maudissant intérieurement toute forme d’action politique – vaine, vaine, vaine. J’ai appelé le SAMU social une première fois – occupé –, puis une seconde fois en arrivant au bureau. Après six minutes d’attente, une voix me répond :
– Non Monsieur, le SAMU social ne s’occupe pas des personnes dans le métro. Désolé.
– Mais alors qui va s’en occuper ?
– C’est la SNCF ou la RATP, Monsieur. Il faut les appeler eux…
– Mais qui voulez-vous que j’appelle à la SNCF ou à la RATP ?
– Le mieux, c’est que vous alliez voir directement quelqu’un de la RATP à la station.
– Et le SAMU social ne peut pas se charger de faire ça ?
– Non Monsieur, nous n’intervenons que sur la voix publique.
– Mais si les agents RATP la font sortir du métro…
– Alors cette personne pourra faire appel au SAMU social. Cette personne ou quelqu’un comme vous qui appellera pour elle.
Les armes de l’administration…
Je suis finalement allé à la station Grands Boulevards. J’ai fait la queue avec les touristes. J’ai parlé au gars à la caisse ; il était jeune, gentil, pas encore blasé. Il a fini par céder à mes prières et il a appelé les pompiers. J’ai demandé si ma présence pouvait être utile à quoi que ce soit ; il a répondu que non.